Lors de Assemblée Générale du 20 Mai 2011, Long Le Dinh, notre conférencier, a rendu hommage à son père, Monsieur Le Dinh Ta, ancien maître d’internat au lycée Berthelot.
Bien que la conférence était surtout axée sur des photographies commentées voici son compte rendu :
De Haiphong, Tourane, Saigon la perle de l’orient … Par milliers bêtes et hommes en partance, voyageant dans les cales de paquebots et cargos de la compagnie des Messageries maritimes ou des Chargeurs Réunis. Entassés avec le bétail destiné à les nourrir, dormant sur des châlits, chassés des ponts à coups de pieds ou de cravache; Blaise Cendrars aurait pu le narrer, mon père l’a vécu .
Etouffer un sanglot, étouffer la parole sont parfois une expression de la dignité. Ce fût le cas de Le Dinh Ta, ancien maître d’internat au lycée Berthelot, un des vingt milles travailleurs indochinois requis sur leur sol natal dans les années 1939‐1940 pour participer à l’effort de guerre en France dans les poudreries et usines d’armement. Leur silence a contribué au pardon, mais aussi à l’amnésie de l’Histoire, conciliante avec l’image de grandeur de la France coloniale. Ils furent pourtant requis de force pour la majorité, après plus d’un mois de voyage maritime mis en subsistance à la prison des Baumettes à Marseille, puis affectés dans des compagnies réparties dans les usines sur tout le territoire français, logés dans des camps de fortune ou d’anciens bâtiments militaires, sous surveillance militaire.
A la débâcle, ils furent repliés en zone libre. Cinq milles sont rapatriés, quinze milles restent bloqués en France et sont loués à des entreprises privées par la MOI (organisme de tutelle Main d’Oeuvre Indigène) qui leur reverse un salaire négligeable … Et toujours cantonnés dans des camps.
Vint la Libération, certains travailleurs indochinois rejoignent les maquisards, d’autres dans le sud‐est forment le « Bataillon Vietnam » et combattent les allemands.
Un espoir de retour au pays après sept ans d’éloignement … Désillusion : Le général Lecler et un corps expéditionnaire sont envoyés pour libérer l’Indochine du joug des japonais, en fait, De Gaulle ne veut pas lâcher la colonie dont Ho Chi Minh a proclamé l’indépendance du Vietnam Démocratique le 2septembre 1945.
Mon père obtint sa levée de réquisition en 1947. Les retours au pays pour ces travailleurs s’échelonneront jusqu’en 1952 de gré ou de force, certains expulsés manu militari pour activisme anticolonialiste ou pro‐vietminh. Le Dinh Ta reprit des études, obtint son baccalauréat première et deuxième partie en France, se maria, fit poursuivre des études à ses enfants, retourna au Vietnam 45 ans après son départ à l’âge de 17 ans, et se tut durant toute sa vie sur l’épopée des « Travailleurs Indochinois » …
D’anciens élèves et des collègues de travail du lycée Berthelot se souviennent de cet homme pétri d’humanité, je les salue amicalement en mémoire de mon père.
A lire : « Immigrés de force », les travailleurs indochinois en France 1939‐1952, de Pierre Daum , aux éditions SOLIN.
« Les requis Indochinois et la Marâtre » de Mathieu Samel aux Editions du Sampan.
Et quelques photos:
A titre personnel j’ajouterai qu’avant même la naissance de ses enfants, monsieur Le Dinh Ta, mon beau-frère, convaincu de l’intérêt de faire des études, avait déjà organisé les miennes en convainquant mon père, simple ouvrier, et l’instituteur chargé de me préparer au concours d’entrée en sixième, j’avais 10 ans…. C’est grâce à lui que simple fils d’ouvrier j’ai pu faire des études et je lui en suis éternellement reconnaissant. Comme Long le dit dans l’exposé de sa conférence, je confirme que mon beau-frère ne m’a jamais parlé de cette période pénible de sa vie qu’il a toujours occultée.
Je sais que plusieurs personnes ont connu et côtoyé mon beau-frère monsieur Le Dinh Ta, je leur serais reconnaissant s’ils acceptaient de témoigner à leur tour, vos commentaires sont donc les bienvenus.
Vous pourrez visionner le film « Indochine, destins français » et trouver d’autres informations sur le site ci-après:
Je me souviens en effet de Monsieur LE DINH TA qui nous surveillait parfois à la fin des années cinquante. Il est resté dans mon esprit comme un homme affable et discret. Je ne crois pas l’avoir vu punir un élève turbulent. Cette évocation par son fils, au delà de l’histoire dramatique et peu connue des Indochinois en cette période sombre de la guerre, était émouvante.
En complément de la conférence de mon neveu vous pouvez voir deux vidéos qui témoignent de cette période.
L’une très récente sur Youtube :
http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=3x3iz_lzhqg
L’autre sur Dailymotion :
http://www.dailymotion.com/video/xlt6qs_travailleurs-indochinois-en-france-temoignage-du-vietnamien-nguyen-van-than_news
Bon visionnage ……
Des journées organisées par l’association Midi-Pyrénées de l’Amitié Franco-Vietnamienne ont eu lieu les 29 et 30 Novembre à Toulouse.
Voir l’article http://berthelot31.fr/lamitie-franco-vietnamienne/