TEL PERE, TEL FILS…
EXTRAIT DE « L’ILLUSTRATION » DU 19 MARS 1927
Ce document, fort intéressant, nous est transmis par notre ami Yves RESPAUD-BOUNY .
M. Daniel Berthelot, membre de l’Académie des Sciences et de l’Académie de Médecine, est mort subitement à l’âge de soixante-deux ans. Fils de l’illustre chimiste Marcellin Berthelot, il s’était consacré aux sciences physiques. Doué d’une intelligence remarquable, possédant une culture générale très étendue, il se plut à des recherches variées dont plusieurs, très importantes, assurent à sa mémoire une place fort honorable à côté de celle de son père. Nous nous bornerons à citer sa méthode optique pour la mesure des hautes températures, en valeur absolue, et sa réalisation de synthèses organiques en faisant agir simplement la lumière, sous forme de rayons ultra-violets. Avant lui, les meilleurs pyromètres laissaient beaucoup à désirer : les nombres obtenus de 1879 à 1895 pour le point de fusion de l’or différaient de plus de 40 degrés. Partant du fait que les solides et les liquides obéissent à des lois plus complexes que les gaz et que l’enveloppe d’un thermomètre présente des inconvénients pour la régularité de ses indications, Berthelot imagina une méthode élégante et sûre qui permet de déterminer une température par le simple examen d’un rayon lumineux ayant traversé une masse gazeuse.
Voici, d’autre part, la théorie ingénieuse sur la vie du monde qu’il formulait en 1912 : « la restauration de l’énergie chimique dans le monde se fait au moyen des plantes vertes pourvues de chlorophylle qui, sous l’action du soleil, réalisent une véritable anticombustion, c’est-à-dire régénèrent les sucres et hydrates de carbone des tissus végétaux aux dépens de l’anhydride carbonique et de la vapeur d’eau de l’air. Ensuite l’animal herbivore mange la plante, le Carnivore mange l’herbivore et le cycle recommence.
« La principale source de l’énergie que nous utilisons dans l’industrie est la combustion de la houille. Or les diverses variétés de houille ne sont pas autre chose que des végétaux passés à l’état fossile. Le carbone que nous brûlons dans les foyers de nos chaudières, c’est celui que les prêles, les fougères, les sigillaires des forêts carbonifères ont emprunté, il y a plusieurs centaines de siècles, à l’acide carbonique de l’air sous l’influence du soleil.
M. Daniel Berthelot dans son laboratoire (manque photo) .

« Il y a donc un mécanisme de restauration d’énergie qui, théoriquement, en vertu du principe de Carnot, devrait pouvoir être reproduit dans nos laboratoires au moyen de l’emploi des hautes températures; mais, pratiquement, la chose est impossible, parce qu’à de telles températures tous les corps organiques, qui sont des édifices fragiles et délicats, seraient détruits.
« Nous avons réussi à lever cette antinomie par l’emploi de la lumière ultra-violette, qui a les mêmes vertus énergétiques que les hautes températures, sans en avoir les effets destructeurs.
« Il est donc établi que la lumière ultra-violette permet de réaliser, en dehors de la matière vivante, les mêmes synthèses que les plantes. Et il n’est pas impossible que l’avenir voit s’édifier de vastes usines où des lampes à mercure rempliraient les fonctions des plantes et fabriqueraient nos aliments aux dépens des gaz de l’air. »
Ajoutons que Daniel Berthelot se distinguait de beaucoup de ses émules par une culture littéraire affinée. A l’Académie des Sciences, ses exposés étaient d’une clarté remarquable et ses discours avaient toujours une pureté de forme d’où était sévèrement banni l’amphigourisme à la mode.
F.H.

TEL PERE, TEL FILS…